TocCyclopédie ■ Époques

Karen White, une présentatrice de journal télévisé, est utilisée comme appât pour capturer un serial killer. Celui-ci est abattu, mais Karen reste traumatisée par cette rencontre. Son médecin, George Waggner, lui recommande d'aller se reposer dans une institution à la campagne, appelée la "colonie"...



C'est d'abord Steven Lane, un exploitant de salle de cinéma, qui a l'idée d'adapter le roman Hurlements de Gary Brandner. Il s'associe avec Jack Conway, et finit par trouver un accord avec AVCO Embassy, une petite compagnie. Mais celle-ci lui retire le projet des mains et le confie à Joe Dante (Gremlins (1984)...), sur lequel le médiocre Piranhas (1978) avait attiré l'attention. Entretemps, Dante avait aidé à compléter la réalisation de Rock'n roll highschool (1979), film de College mettant en scène le groupe punk The Ramones, et surfant sur la vague lancée par American Graffiti (1973) de George Lucas et, surtout, American college (1978) de John Landis. Ce sera son dernier travail pour le producteur Roger Corman et sa firme New World. Après Piranhas, on avait aussi proposé à Dante divers projets de films de monstres aquatiques, dans la lignée de Les dents de la mer (1975) de Steven Spielberg, tel que Orca II, ou Piranha 2 (1981), finalement réalisé plus tard par James Cameron et Ovidio G. Assonitis. Mais, il préfère nettement travaillé sur Hurlements, un projet de film de loup-garou, qui va dans le sens de son goût pour le cinéma d'épouvante traditionnel. Le script de Lane est abandonné, et Dante en écrit un nouveau avec l'aide de John Sayles (Piranhas, L'incroyable alligator (1980) de Lewis Teague...). Les effets spéciaux devaient être confiés à Rick Baker (Le monstre est vivant (1974) de Larry Cohen, La guerre des étoiles (1977) de George Lucas...), mais celui-ci est pris par la préparation de Le loup-garou de Londres (1981) de John Landis. Baker confie alors ce travail à son jeune collaborateur Rob Bottin (Piranhas, The thing (1982) de John Carpenter...). Le casting réunit une galerie de sympathiques comédiens plutôt spécialisés dans la série B, toutes générations confondues : Dee Wallace Stone (La colline a des yeux (1977) de Wes Craven...), Patrick Macnee (la série TV Chapeau melon et bottes de cuir...), Kevin McCarthy (L'invasion des profanateurs de sépultures (1959) de Don Siegel...), John Carradine (La maison de Dracula (1945) de Erle C. Kenton...), Robert Picardo (Le voyage intérieur (1987) de Joe Dante...)...
Avec les succès d'oeuvres comme Rosemary's baby (1968) de Roman Polanski, L'exorciste (1973) de William Friedkin et Les dents de la mer, l'épouvante gothique traditionnelle de la compagnie Hammer (Le cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher...) et son bestiaire (vampire, monstre de Frankenstein, Loup-garou...) étaient globalement tombés en désuétude. Pourtant, des oeuvres ambitieuses comme Zombie (1978) de George Romero et Dracula (1979) de John Badham tentent de renouveler ces mythologies traditionnelles du cinéma fantastique. Hurlements essaie aussi de faire fusionner un mythe classique (le loup-garou) avec la nouvelle esthétique de l'horreur mise en place par des films comme La nuit des morts-vivants (1968) de George Romero, Rosemary's baby et L'exorciste. C'est de ce dernier film qu'avoue s'être inspiré Joe Dante pour ancrer son récit dans une réalité quotidienne. Ainsi, il reprend la structure L'exorciste : après un prologue troublant, une bonne moitié du métrage se déroule dans un univers contemporain, où l'étrange n'est sensible que par des affleurements ; puis la seconde partie du film plonge dans une horreur explicite. Pour mettre à jour le thème du loup-garou, Dante emploie la nature dualiste de ce monstre comme révélateur du conflit entre l'être humain urbain et civilisé de la fin du vingtième siècle et ses pulsions naturelles et refoulées, érotiques et violentes. Ainsi, le début du film nous plonge dans l'univers technologique et hypocrite de la télévision, tandis que la suite se déroule dans la colonie du docteur Waggner, en pleine nature sauvage, au milieu d'une grande forêt. Pourtant, cela ne fonctionne pas bien : à force de refuser l'action et le fantastique au cours de la première heure de Hurlements, Dante provoque un certain ennui chez le spectateur. On sent bien une volonté de jouer sur une ambiance fantastique et érotique au cours des évènements se déroulant dans la colonie. Hélas, Joe Dante n'a pas la sensualité ou la subtilité atmosphérique d'un Brian De Palma (Pulsions (1980)...) ou d'un Mario Bava (Le corps et le fouet (1963)...), et, malgré la musique langoureuse de Pino Donaggio (Carrie (1976) de De Palma...), c'est la froideur ennuyeuse et la banalité de la réalisation qui sont le plus visibles.

Dante affirme d'autre part un aspect de son style qui était déjà perceptible dans Piranhas : en multipliant les références au cinéma fantastique populaire, il place d'emblée son travail dans la lignée de ses grands prédécesseurs, et indique ainsi sa conscience d'être un créateur inscrit dans l'histoire d'un genre. Certes, il cherche à renouveler le film de loup-garou avec Hurlements, mais il ne tente nullement de tourner le dos aux classiques de ce genre ou à s'en moquer. Ainsi, de nombreux personnages portent des noms de fameux réalisateurs d'oeuvres mettant en scène des lycanthropes : George Waggner (Le loup-garou (1941)...), Terry Fisher (La nuit du loup-garou (1961)...), Fred Francis (Legend of the werewolf (1975)...), Erle Kenton (La maison de Frankenstein (1944)...)... De même, Dante s'offre comme figurants des grandes figures du cinéma fantastique, comme le producteur-réalisateur Roger Corman (La chute de la maison Usher (1960)...) ou Forrest J. Ackerman, le fondateur de la mythique revue américaine Famous monsters of filmland. Si ce goût pour la référence est devenue une banalité dans les années 1990, avec Reservoir dogs (1992) de Quentin Tarantino ou Scream (1996) de Wes Craven, c'était alors assez nouveau. De plus ces citations sont parfois "littérales", puisque, par le biais d'écrans télévisés, Dante nous montre des extraits des films qui l'ont inspiré : Le loup-garou, Les trois petits cochons (1933) produit par Walt Disney... Pourtant, parfois, ce goût de la citation se fait sentir avec trop de lourdeur, de manière assommante, et distrait trop l'attention du spectateur. On peut trouver que certaines facilités de montage (l'alternance entre Les trois petits cochons de Disney et la agression de Terry par le loup-garou...) manquent de subtilité.

C'est néanmoins la dernière demi-heure du récit qui est la plus satisfaisante. L'interprétation de Dee Wallace Stone y est fort émouvante, notamment avec son sacrifice finale, dans la grande tradition mélodramatique de Le loup-garou ou La nuit du loup-garou. On peut aussi apprécier la réussite des effets spéciaux. La vision qu'a Joe Dante du lycanthrope est très neuve. Si, jusqu'aux années 70, le loup-garou est souvent un homme excessivement poilu et dentu, marchant de façon voûtée, les progrès des effets spéciaux mécanique et des maquillages (La planète des singes (1968) de Franklin J. Shaffner, L'exorciste...) ouvrent de nouvelles portes. Si dans Le loup-garou de Londres, Landis et Baker optent pour un réalisme infaillible (une fois métamorphosé, les monstres ressemblent vraiment à des loups), Dante et Bottin choisissent de créer des créatures inspirées par les personnages de dessin animé, comme les loups de Disney ou de Tex Avery, ou le Coyotte de Chuck Jones. Ici, les loup-garou sont menaçants car ils sont de très grande taille ; ils se tiennent debout bien qu'ils aient de véritables pattes de loup, et leurs oreilles, mufles et dentitions sont disproportionnés, comme si ils étaient perçus par une vision caricaturale. Si leur apparence d'ensemble est globalement réussie, les séquences de métamorphoses sont toutefois moins satisfaisantes. Certes, Bottin emploie des techniques alors très nouvelles, avec l'emploi de prothèses animés par des moteurs et autres effets spéciaux mécaniques spectaculaires. Malheureusement, la réalisation trop statique et les éclairages trop francs ne les mettent pas bien en valeur.

Hurlements est, en fin de compte, décevant, notamment à cause de la faiblesse narrative de ses deux premiers tiers. Pourtant, ce sera un succès commercial, et il marquera le vrai début de la carrière de Joe Dante. Spielberg lui fait alors réaliser un segment du film à sketch La quatrième dimension (1983), puis lui confie le projet de Gremlins, qui deviendra son oeuvre la plus populaire. Hurlements va sortir pratiquement en même temps que de nombreux autres films d'épouvante jouant sur la mythologie des loup-garou, dont Le loup-garou de Londres de John Landis, Wolfen (1981) de Michael Wadleigh et Full moon high (1981) de Larry Cohen. Steven Lane va, de son côté, exploiter en tant que producteur la franchise Hurlements dans diverses séquelles, jusqu'à Howling VI : the freaks (1991). Puis la compagnie New Line lui en rachètera les droits et produira le dernier épisode, à ce jour, de cette série : Howling : new moon rising (1995) de Clive Turner.

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